Il est clair que tous les arts martiaux répondent à toutes les questions des pratiquants : efficacité, self défense, bien être, habileté manuelle. Mais, malheureusement ou heureusement, nous qui sommes leur professeur, nous ne pouvons pas être experts en toutes situations et répondre à toutes les questions émanant de nos élèves.

 

Selon nous, les arts martiaux doivent suivre la croissance physique et mentale des pratiquants. Il nous semble évident qu'à chaque art martial correspond un âge et une perception différents. Ces différences s’estompant avec l’âge et la pratique bien-sûr.

Nous avons une progression qui nous semble facile à comprendre avec l’exemple des arts martiaux japonais traditionnels pratiqués chez nous en France :

Le judo fut créé en premier puis est arrivé le karaté et ensuite l’aïkido a vu le jour. Il est bien évident que toutes ces techniques existaient bien avant, mais grâce à leur fondateur il y a eu des progressions techniques dues aux différents codes adaptés à chaque art martial.

Selon nous, le judo est le sport idéal pour les enfants. Grâce au contact mains - kimono et aux techniques de saisies, contrôles et immobilisations ventre à ventre, l’enfant peut découvrir son propre corps et celui des ses partenaires. C’est un éveil à la vie : toucher, contact, découverte de son propre corps. Puis vient l’adolescence : le désir de montrer sa puissance qui arrive avec la puberté et la découverte de la sexualité. Nous trouvons que le karaté répond parfaitement à ces questions : l’adolescent à besoin de se confronter à l’autre, de montrer sa puissance au moyen de frappes avec les points et les pieds. Il y a aussi le combat où le jeune pratiquant pour s’aguerrir doit, par des joutes où courage, volonté et apprentissage des coups et des chocs sont essentiels, développer toutes ces qualités. Puis arrive l’âge adulte : la notion de rencontre, celle d'aller vers l’autre la main ouverte, construire sa vie avec quelqu’un. C’est, pour nous, l’aïkido qui répond parfaitement à ces notions. Nous ne croyons dans la pratique de l’aïkido qu’à ce concept : irimi tenkan.

Irimi : c’est entrer en contact avec un inconnu

Tenkan : c’est un des deux partenaires et parfois les deux qui changent de direction pour faire quelques pas ensemble dans la même direction.

La vie n’est que : irimi tenkan : aller rencontrer les inconnus et essayer de vivre ensemble.

C’est pourquoi nous pensons qu’à chaque art martial correspond un âge physique et une perception mentale différente. Nous devons admettre à ce moment que pour nous l’aïkido pour enfant n’existe pas. Nous entendons déjà les enseignants pour enfants crier à l’infamie. Mais l’aïkido qu’a créé O’Sensei ne peut pas être compris par des enfants avant l’âge de 18 ans. A contrario, les mouvements que l’aïkido développe, eux, peuvent très bien être compris par les enfants. C’est l’esprit, la pensée de l’aïkido qui pour nous ne sont pas adaptés à la psychologie infantile. Mais nous ne sommes pas dans la stricte vérité, nous n’émettons que notre sensibilité.

Il nous semble important que les enfants suivent ce chemin avant d’arriver à la pratique qu’ils choisiront quand ils seront libres de le faire.

Il est bien évident qu’il existe des exceptions : un enfant peut adhérer tout de suite à l’aïkido et ne plus le lâcher tandis que d’autres peuvent arriver sur le tatamis avec un parcours atypique.

Pour les pratiquants adultes d’aïkido qui s’exercent à un autre art martial, il y a beaucoup de raisons différentes à cela. Par exemple, une des questions qu'ils se posent est : pourquoi notre art n’est pas assez efficace dans la self- défense ? Si je devais me battre, pourrais appliquer ce que l’on m’a appris sur les tapis ?

Il est normal que tous les pratiquants se posent ces questions. Il nous est arrivé aussi de nous les poser. Mais en revanche nous n’avons jamais douté dans les enseignants que nous avons choisis. Personne ne fait de l’aïkido pour se battre, ni pour les grades non plus d’ailleurs. Mais, quand nous pensons « bagarres », est ce que l’aïkido peut y répondre ? Et quand nous pensons « grades » les termes jalousie, frustration et culpabilité de l’échec nous viennent en tête. Nous pratiquons un art que nous ne pouvons pas objectiver. Il y a et il y aura toujours un doute : Est-ce que ….........?

C’est pourquoi il faut que nous les enseignants nous soyons très forts et très bien entrainés pour ne plus mettre le doute dans l’esprit de nos élèves. Nous sommes un peu comme des parents qui mettons leurs qualités et aussi leurs défauts dans l’éducation des enfants.

Les élèves penseront toujours : « au cas où » mais « le cas où » il faut le travailler sur le tapis et ne pas l’imaginer en dehors. Nous avons, nous-même, trouver notre solution : sur le tapis nous faisons comme si nous étions dehors et ce n’est pas un ami qui « nous attaque » mais un partenaire qui doit donner le meilleur de lui-même pour nous faire progresser. Ce ne sera jamais comme « dans la rue ». Mais dans la rue il n’y a pas de codes de déontologie alors que sur le tapis cela existe. Pourquoi donc ne pas, de temps en temps, enseigner et laisser pratiquer les élèves comme s’ils étaient dans la rue et les laisser faire pour qu'ils sachent, qu'ils comprennent.

Nous connaissons bien nos aïkidoka : ce ne sont pas de méchantes personnes, sinon ils auraient choisi la boxe, le catch ou le rugby. Mais nous en aïkido nous travaillons sur des codes. Il faut alors accepter que pour faire bouger un partenaire, même le plus petit qu’il soit, il faut que lui aussi le veuille.

A la question : « L’aïkido est-il efficace ? » Nous posons souvent à nos élèves cette question : « pourquoi faites vous encore de l’aïkido ? »

Nous faisons de l’aïkido pour le jour où cette situation de conflit en dehors du tapis devrait nous arriver, nous voudrions faire la plus belle technique au grand méchant sous la pluie à trois heures du matin et nous aimerions l’entendre nous dire : « j’aimerais bien passer une deuxième fois entre vos mains ».

C’est un peu ce que nous attendons après avoir pratiqué pendant une heure avec un partenaire, l’entendre nous dire : « quand recommençons-nous ? »

Cela nous conforte dans cette voie où il n’y a pas de vérité mais la volonté de faire toujours le mieux possible et d'accepter les qualités comme les faiblesses de notre art. Et nous professeurs, nous devons accepter que nos élèves aillent chercher ailleurs ce que nous ne pouvons pas leur donner.

Il faut que nos élèves soient critiques envers nous. Notre rôle à nous c'est de gommer ces questions. Ceci ne passera que par un travail technique très précis et par une liberté donnée aux élèves qui leur permettra de s’épanouir.

Pour conclure, nous pensons que tous les pratiquants d’aïkido devraient avoir essayé tous les arts martiaux possibles pour étendre leur culture et leur donner une plus grande ouverture d’esprit. Cependant, ils ne doivent jamais oublier que dans notre art, il y a une solution à tous leurs problèmes mais que nous, leur professeur, ne disposons pas de suffisamment de temps et que nos professeurs ne peuvent pas tout gérer chez nous.