Le même partenaire lorsque nous sommes élève au cours d’un stage ne nous semble pas aussi mobilisable. Comment expliquer ce phénomène alors que nous faisons les mêmes « techniques » et que nous avons le même physique ?

L’explication vient pour nous du fait que lorsque nous sommes professeur, nous n’effectuons pas tout le cours, nous ne faisons que Tori. Le fait de faire Uke demande un investissement terrible qui use les résistances et la lucidité. De plus, étant Uke, nous subissons des torsions de poignets, des projections et cela nécessite une attention de tous les instants. Quand nous sommes professeur et que le rôle de Uke s’éloigne de notre ressenti, il nous semble évident que nous oublions comme il est difficile de donner et de se donner pour permettre à l’autre de réaliser une "technique" parfaite.

IMG_3611Il nous parait important dans l’enseignement de ne jamais oublier que les techniques que nous maitrisons sont pour nous, professeurs, des techniques de base. Mais pour nos élèves, ces mêmes techniques peuvent s’apparenter à des techniques de haut niveau. Il est bien sûr nécessaire de tirer les élèves vers le haut mais encore faut-il que la difficulté n'instaure pas l’impossibilité et le sentiment d’échec permanent chez eux.

Lorsque nous sommes élève pendant un cours dispensé par un autre professeur, ce qui nous semblait si facile au milieu du tapis en démontrant cette même technique, nous parait si difficile à réaliser. Pourquoi ? Nous sommes le même corps, notre partenaire a le même physique, ce qui change est le mental et la relation que nous avons avec notre partenaire. En effet, il n’est plus l’élève soumis qui, au milieu du tapis, vient pour être vu de tous les autres et surtout faire de son mieux pour comprendre ce que son professeur va lui demander. Dans un petit coin du tapis, caché par les autres paires de pratiquants, cet élève acceptant tout au milieu va démontrer une autre facette de son ressenti. Il va travailler de façon plus personnelle et comme nous, nous devons aussi subir sa technique, notre comportement passe de dominant à celui de « dominé » et cela change le rapport que nous avons avec lui.

Quand nous sommes sur le tapis, il est une phrase que nous essayons de mettre en application : " Quand nous sommes « élève » pendant un cours nous essayons d’être aussi parfait que le serait un professeur, et lorsque nous sommes professeur nous nous mettons à la place des élèves pour faire une technique qu’ils pourront faire sans avoir la sensation de l’impossibilité. "

De plus lorsque nous enseignons, il nous semble extrêmement important de connaitre le vécu de chaque technique enseignée, surtout du côté de celui qui attaque (Uke), afin de rester lucide et capable de savoir les réactions de nos différents partenaires. Nous avons souvent eu la sensation de
voir des techniques que nos professeurs ne pouvaient pas subir. Faut-il alors les montrer à tout le monde ou ne les montrer qu’à des élèves ayant déjà un certain vécu et qui pourront traduire avec leur corps des explications peu compréhensibles verbalement ?
Nous restons convaincu que l’enseignement c’est former des élèves qui un jour feront mieux que nous dans un style qui leur sera propre. Notre travail est de les amener à ce moment de choix et de liberté en pleine mesure physique et spirituelle, sans que de vieilles douleurs physiques et mentales viennent entraver leur recherche vers un aïkido meilleur.